Elle s'en va...
Quand j'étais petite, je voulais ressembler à Valérie F., une fille de ma classe de CE1.
J'aimais sa façon sage de tirer son pull vers le bas pour le rajuster.
Alors je l'ai imitée.
Plus grande, en 5ème, je voulais ressembler à Sabine B.
J'aimais son écriture à nulle autre pareille.
Ronde, précise, presque sortie d'une machine.
Ses cours étaient un modèle de perfection.
J'aimais sa façon de présenter ses écrits, sa façon de souligner les titres
en s'arrêtant juste avant la boucle du g, le pied du p, reprenant après.
Alors je l'ai imitée.
Au lycée j'ai voulu ressembler à Aurore M.
Je voulais, comme elle, savoir exprimer les choses par des mots.
Les agencer, en faire des phrases pour raconter.
Ce n'est pas l'école qui m'a appris ça, c'est Aurore.
J'aimais écrire, lui écrire,
Alors je l'ai imitée.
Une année plus tard j'ai voulu ressembler à Laurence D.
Son rire, un peu tordu, un peu grinçant, tout en étant enfantin,
me plaisait au delà de tout
J'enviais ses cheveux dorés si brillants, comme des fils d'or dans la lumière.
J'aimais son côté enfantin intact alors que l'on jouait à être des adultes.
J'aimais ses feutres animaux, son côté décalé assumé, recherché.
Alors je l'ai imitée.
Aujourd'hui j'aimerais ressembler à Dieynaba D.
Son sourire indestructible, son petit tatouage entre les yeux,
ses tresses aux reflets violets, son ambition assumée, son espoir, son regard, son esprit vif, tolérant.
Ses principes sur la confiance, sa façon toute africaine de voir la famille.
Alors parce qu'elle me ressemble et complète mes vides, j'aimerais l'imiter.
Elle est en partie celle que j'aimerais être, elle est de ces personnes qui laissent un grand vide quand ils ne sont plus là.
Et pour moi, elle est ce que j'appelle une amie.
Elle s'en va lundi dans un pays froid pour continuer son chemin, pleine de courage
et toujours cette ambition chevillée au corps.
Et moi j'ai au fond de la gorge et aux bord des yeux
cette tristesse immense.